Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les circonstances extraordinaires, que d’après des principes et des sentiments à lui particuliers, et dont l’effet ne pouvait être calculé d’avance par ceux mêmes qui le connaissaient le mieux. Prier quelqu’une de ses amies de l’accompagner à ce rendez-vous eût été sans doute l’expédient le plus simple, mais la menace que la communication du secret empêcherait l’entrevue dont dépendait le salut de sa sœur l’aurait détournée de faire à quelqu’un cette confidence, quand même elle eût connu quelque personne à qui elle eût pu ouvrir son cœur en toute sûreté. Les liaisons de la famille Deans avec les habitants des chaumières voisines s’étaient bornées aux simples rapports de voisinage. Jeanie connaissait peu de personnes aux environs, et elle n’était guère disposée à leur demander le secret. C’étaient de ces joyeuses et bavardes commères, comme on en trouve ordinairement dans cette classe ; et leur entretien avait toujours eu peu de charmes pour la jeune fille, à qui la nature et la vie solitaire qu’elle menait avaient donné une profondeur de pensée et une force de caractère qui la rendaient bien supérieure à la partie la plus frivole de son sexe.

Abandonnée à elle-même et privée de tout conseil sur la terre, elle eut recours à un ami et à un conseiller dont l’oreille est ouverte aux cris du pauvre et de l’affligé. Elle s’agenouilla, et pria Dieu avec ferveur de lui indiquer le chemin qu’elle devait suivre dans sa difficile et malheureuse position. C’était une croyance du temps et de la secte à laquelle elle appartenait, que des réponses précises, différant très-peu d’une inspiration divine, naissaient dans l’esprit, pour nous servir de leurs expressions, et satisfaisaient à leurs ardentes prières dans les moments difficiles. Sans nous engager dans une question de théologie fort obscure, il est certain que ceux qui épanchent avec sincérité, dans la prière, leurs doutes et leurs chagrins, purifient leur âme de la souillure des passions et des intérêts humains, et l’amènent ainsi à obéir, dans le choix d’un parti, plutôt aux inspirations du devoir qu’à tout autre motif moins relevé. Jeanie se releva le cœur plus fort pour supporter l’affliction, et plus ferme pour vaincre les difficultés.

« J’irai trouver cet homme, se dit-elle ; il doit être malheureux, car je crois qu’il a été la cause du malheur d’Effie ; mais j’irai le trouver, que ce soit bien ou mal. Je n’aurai jamais à me reprocher d’avoir manqué, par la crainte de la médisance ou de dangers personnels, à faire ce qui peut la sauver.

L’esprit entièrement calmé par la résolution qu’elle venait de