Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/208

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signature de cette lettre, qui fournit la preuve de ma participation à une action que, dans un temps et un lieu convenables, je ne craindrais ni d’avouer ni de justifier, vous ne rejetterez pas le témoignage que je vous offre en ce moment. Le ministre Butler est complètement innocent : c’est involontairement qu’il est devenu témoin d’une entreprise qu’il n’a pas eu assez d’énergie pour approuver, et dont il a cherché à nous détourner par les plus belles phrases. Mais ce n’est pas seulement de lui que je veux parler ici : il y a dans votre prison une femme qui se trouve sous le coup d’une loi si cruelle, que depuis vingt ans elle n’a pas été appliquée, et maintenant on veut la remettre en vigueur pour répandre le sang de la créature la plus innocente et la plus belle qu’aient jamais renfermée les murs d’une prison. Sa sœur connaît son innocence, car elle lui a avoué qu’elle avait été séduite par un misérable. Oh ! puisse le Dieu tout-puissant

« Armer d’un fouet vengeur la main de l’homme juste,
Pour punir en ce monde un être si pervers. »


Je m’égare… Mais, pour en revenir à Jeanie Deans, cette fille est une austère puritaine, superstitieuse et scrupuleuse comme tous ceux de sa secte. Je prie donc Votre Honneur (puisque l’usage exige que je parle de la sorte) de lui faire comprendre que la vie de sa sœur dépend de son témoignage ; et persistât-elle même dans le silence, gardez-vous de croire que la jeune fille est coupable ; gardez-vous surtout de permettre son exécution. Rappelez-vous que la mort de Wilson fut vengée d’une manière terrible. Songez qu’il existe encore des individus qui pourraient vous forcer à boire le calice de cette coupe empoisonnée. Encore une fois, souvenez-vous de Porteous, et croyez que vous recevez un bon conseil d’un de ses meurtriers. »

Le magistrat relut deux ou trois fois cette lettre extraordinaire. D’abord, il avait été tenté de la jeter de côté comme la production d’un fou ; car une phrase de comédie (c’était ainsi qu’il appelait la citation poétique) ne lui semblait pas pouvoir trouver place dans la correspondance d’un être raisonnable. En la relisant, cependant, elle lui parut, au milieu de son incohérence, présenter le caractère véritable de la passion, quoique exprimé d’une manière bizarre et peu commune.

Il faut convenir que c’est une loi sévère, dit le magistrat à son clerc, et je voudrais que la pauvre fille pût y échapper. L’enfant peut être né et avoir été enlevé pendant que sa mère était sans