Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maient auraient été son principal appui dans ces tristes circonstances ; mais il était encore assujetti à une contrainte qui ne lui permettait pas de venir à Saint-Léonard ; et Jeanie n’ayant pas l’habitude d’écrire, il lui aurait été impossible de lui exprimer sa situation dans une lettre. Elle fut donc réduite à prendre son jugement pour guide dans une position si difficile.

Quoique Jeanie espérât, crût même que sa sœur était innocente, ce n’était pas le moindre de ses chagrins de n’avoir pu en recevoir l’assurance de sa propre bouche.

La conduite de Ratcliffe dans l’affaire de Robertson, quoique très-suspecte, avait été récompensée, comme l’est souvent celle des fourbes, par un emploi et des faveurs. Sharpitlaw, qui trouvait en lui quelque chose de son propre génie, lui avait servi de protecteur auprès des magistrats ; et d’ailleurs, comme il était resté volontairement dans la prison lorsque les portes en avaient été forcées par la populace, on ne pouvait guère lui ôter une vie qu’il avait eu le moyen de sauver si facilement. Il fut donc gracié, et bientôt après James Ratcliffe, le plus fieffé fripon et le plus fameux voleur de toute l’Écosse, fut, sur la foi d’un ancien proverbe peut-être, choisi pour avoir la garde des autres criminels.

Lorsque Ratcliffe fut placé dans cet emploi de confiance, il reçut plusieurs sollicitations de la part du savant Saddletree, et d’autres personnes qui s’intéressaient à la famille Deans, pour procurer une entrevue aux deux sœurs ; mais les magistrats, qui désiraient ardemment l’arrestation de Robertson, avaient donné des ordres sévères pour la défendre, espérant qu’en les tenant séparées ils finiraient par obtenir de l’une ou de l’autre quelques renseignements sur la personne du fugitif. Jeanie n’avait rien à leur apprendre sur ce sujet ; elle dit à M. Middleburgh qu’elle ne connaissait pas Robertson et ne l’avait jamais vu avant la nuit de ce rendez-vous qu’il lui avait demandé pour lui donner quelques avis relatifs à sa sœur, et qui ne regardaient que Dieu et sa conscience ; mais quant à sa personne, à ses mouvements, à ses projets, à ses affaires passées, présentes ou futures, elle n’en savait absolument rien, et par conséquent n’avait rien à communiquer.

Effie garda le même silence, quoique par un motif bien différent. Ce fut en vain qu’on lui offrit une commutation de peine et même un entier pardon si elle voulait dire ce qu’elle savait de son amant : elle ne répondait que par des larmes, à moins que, pous-