Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/471

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dix vous en trouverez neuf qui ne valent pas Reuben Butler. »

Il prit congé de l’homme d’affaires, et s’achemina vers son habitation, oubliant sa fatigue, absorbé qu’il était par les diverses réflexions que faisait naître cette étonnante nouvelle. L’honnête Davie avait alors fort affaire, comme tant d’autres, pour concilier ses principes spéculatifs avec les circonstances actuelles ; et comme tant d’autres qui veulent sérieusement y parvenir, il y réussit assez bien.

Reuben Butler pouvait-il en conscience accepter cette place dans l’église d’Écosse, sujette, comme elle était dans l’opinion de Davie, aux empiétements hérétiques du pouvoir civil ? Telle était la question fondamentale, et il l’examina soigneusement. L’Église d’Écosse était dépouillée de ses rayons, et privée de toute son artillerie et des bannières de l’autorité ; mais cependant elle possédait encore des pasteurs zélés qui faisaient fructifier la parole, des congrégations attentives ; et malgré toutes ses taches, elle était encore la première Église du monde.

Davie avait toujours été livré à des doutes trop nombreux et trop délicats pour lui permettre jamais de se réunir avec aucun des dissidents qui, dans diverses occasions, s’étaient séparés du corps de l’Église nationale. Il s’était souvent associé à la communion de ceux dont les formes et les principes se rapprochaient le plus du vieux culte presbytérien de 1640 ; et quoiqu’il y eût beaucoup à rectifier dans ce système, cependant il se disait que lui, Davie Deans, avait toujours été un soutien de la bonne vieille cause, mais d’une manière légitime, sans participer à aucun des excès, et sans en venir jamais aux séparations blâmables. Ainsi donc, comme ennemi des séparatistes, il pouvait se joindre à un ministre de l’Église d’Écosse dans sa forme actuelle. Ergo, Reuben Butler pouvait prendre possession de l’église de Knocktarlity sans perdre son amitié et ses bonnes grâces. Mais venait en second lieu la question de la nomination par un seigneur temporel, que Davie Deans avait toujours regardée comme une chose abominable, et qu’il représentait comme une coutume faite pour affamer les âmes de toute une paroisse, afin de remplir le ventre et de couvrir le dos du titulaire.

Ainsi donc, cette présentation du duc d’Argyle, quels que fussent d’ailleurs le mérite et les vertus de ce seigneur, était une espèce de sacrifice au veau d’or, et Davie ne pouvait songer à favoriser une telle transaction sans déroger à ses principes ; mais