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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/135

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— La jeune fille parle bien et hardiment, dit Ermengarde ; et dans le fait, à l’exception de ces babioles, elle est vêtue d’une manière qui lui sied. Ton père, à ce que j’apprends, est mort en chevalier sur le champ de bataille.

— Il n’est que trop vrai, » répondit Éveline, dont les yeux se remplirent de larmes au souvenir d’une perte si récente.

« Je ne l’avais jamais vu, continua Ermengarde ; il partageait le mépris des Normands pour la race saxonne, à laquelle ils ne s’allient que par intérêt, de même que la ronce s’attache à l’ormeau. Ne cherche pas à le défendre, ajouta-t-elle en remarquant qu’Éveline allait parler, je connaissais l’esprit normand bien avant que tu vinsses au monde. »

En ce moment, l’intendant entra, et après s’être profondément incliné, il demanda quelle était la volonté de sa maîtresse au sujet des soldats normands qui se tenaient en dehors de la maison.

« Des soldats normands dans la maison de Baldringham ! » dit la vieille dame avec une fierté mêlée de colère ; « qui les a amenés ici, et quel est leur but ?

— Ils viennent, je crois, répondit l’intendant, pour escorter cette charmante jeune dame.

— Quoi ! ma fille, » dit Ermengarde d’un ton de reproche et de tristesse, « n’oses-tu coucher une nuit sans gardes dans le château de tes pères ?

— À Dieu ne plaise ! dit Éveline ; mais ces hommes ne m’appartiennent pas. Ils font partie de la suite du connétable de Lacy, qui les a laissés pour veiller autour du château dans la crainte des voleurs.

— Des voleurs ! dit Ermengarde ; aucun n’a jamais fait de mal à la maison de Baldringham, depuis qu’un voleur normand lui déroba son trésor le plus précieux en la personne de ta grand’mère. Ainsi donc, pauvre colombe, te voilà déjà captive… Malheureuse prisonnière !… Mais tel doit être ton destin ; pourquoi m’en étonner ou m’en plaindre ? Ne voit-on pas toujours une riche et belle fille destinée, au sortir de l’enfance, à devenir l’esclave de ces petits tyrans qui ne nous permettent de conserver que ce qui n’excite pas leur convoitise ? Eh bien ! je ne puis l’être d’aucun secours ; je ne suis qu’une malheureuse femme abandonnée, également faible par son sexe et par son âge… Et duquel de ces de Lacy es-tu destinée à devenir l’esclave ? »