Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/241

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Il descendit donc, non sans peine, la côte escarpée, et s’avança entre le pied des rochers et la mer, qui alors en approchait fort près : tantôt il levait les yeux pour voir si on n’observait pas ses mouvements du haut des rochers placés au dessus de sa tête ; tantôt il les tournait avec inquiétude sur la mer pour s’assurer qu’il n’y avait ni vaisseau ni chaloupe d’où on pourrait l’apercevoir.

Mais ses craintes personnelles furent un instant suspendues quand il arriva à l’endroit où on avait retrouvé le corps de Kennedy. Le fragment de rocher qui avait roulé du haut du promontoire, soit avec, soit après le corps, rendait cet endroit bien remarquable. Il était à la vérité incrusté de petits coquillages et recouvert de mousse et d’herbes marines ; mais il se distinguait encore, par sa forme et par sa substance, des autres rochers qui l’environnaient. On croira aisément que Glossin n’avait jamais dirigé ses promenades vers cet endroit depuis la funeste catastrophe ; elle vint alors se retracer à son esprit avec toutes les circonstances horribles qui l’avaient accompagnée. Il se rappela avec quelle précaution, semblable à un criminel, il était sorti de la caverne et s’était mêlé au groupe épouvanté qui entourait le cadavre, tremblant que quelqu’un ne lui demandât d’où il venait ; il se rappelait aussi avec quel effroi intérieur il avait détourné les yeux de ce sanglant spectacle. Les cris désespérés de son patron « Mon enfant ! mon enfant ! » retentissaient de nouveau à son oreille. « Bon Dieu ! s’écria-t-il, ce que j’ai gagné vaut-il les tourments que j’éprouve en ce moment, et les craintes mêlées d’inquiétude et d’horreur qui depuis ont empoisonné ma vie… Oh ! infortuné Kennedy, que ne suis-je à ta place, et toi à la mienne plein de vie et de santé ! » Mais ces regrets étaient trop tardifs.

Comprimant donc ses sentiments, il se glissa vers la caverne : elle était si voisine de l’endroit où l’on avait retrouvé le cadavre, que les contrebandiers avaient pu entendre de leur retraite les diverses conjectures des assistants sur la mort de leur victime. Rien d’ailleurs n’était plus difficile à découvrir que l’entrée de cet asile ; l’ouverture, aussi étroite que celle d’un terrier de renard, était pratiquée dans la côte, derrière une grosse roche noire, ou plutôt une pierre verticale, qui servait tout à la fois à la dérober aux regards des étrangers et à la faire reconnaître à ceux qui avaient coutume d’y chercher un refuge. L’espace entre cette pierre et la côte était extrêmement étroit, et comme il était encombré de sable et d’autres débris que les marées y déposaient,