Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/144

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ser l’exécution sans délai des fuyards, et parfois même mettant à mort ceux qui s’étaient rendus comme prisonniers. On dit que de temps à autre le souvenir de ses cruautés lui troublait la conscience « dérangeait les rêves de béatitude auxquels son imagination s’abandonnait.

Lorsque Éverard entra dans l’appartement, ce représentant des soldats fanatiques qui remplissaient les régiments que Cromwell avait, par politique, maintenus sur pied, tandis qu’il travaillait à réduire ceux où prédominait le parti presbytérien, était assis un peu à l’écart des autres, ses jambes croisées et étendues vers le feu dans toute leur longueur, la tête appuyée sur son coude, et les yeux levés en l’air, comme s’il étudiait le plus gravement du monde la sculpture à moitié détruite du plafond gothique.

Nous n’avons plus maintenant à parler que de Bletson. Pour la tournure et le visage, il était totalement opposé aux deux autres ; il n’y avait ni négligence ni recherche dans sa mise, et il ne portait sur lui aucun signe militaire ni les marques distinctives de son grade ; une petite rapière semblait portée simplement pour indiquer son titre de gentilhomme, sans que sa main eût la moindre envie de faire connaissance avec la poignée, ou son œil avec la lame ; sa physionomie était vive et fine, son visage sillonné par des rides que la réflexion y avait imprimées plutôt que l’âge. Un ricanement habituel, même quand il souhaitait le moins exprimer le dédain sur ses traits, semblait assurer à la personne avec qui il parlait, qu’on devait trouver en lui un homme d’une intelligence bien supérieure à la sienne. C’était un triomphe d’intelligence seulement ; car en toute occasion où il différait avec d’autres personnes pour des opinions spéculatives, et même dans toutes les controverses possibles, Bletson évitait l’utlima ratio des querelles sérieuses et des coups.

Pourtant cet homme pacifique s’était trouvé contraint à servir personnellement dans l’armée parlementaire au commencement de la guerre civile, jusqu’à l’instant où, ayant eu le malheur de se trouver en contact avec le bouillant prince Robert, on jugea sa retraite si précipitée, qu’il fallut toute l’intervention de ses amis pour empêcher qu’il ne fût mis en accusation et traduit devant un conseil de guerre. Mais comme Bletson parlait bien et avait beaucoup d’influence dans la chambre des communes qui était sa sphère naturelle, et qu’il avait, sous ce rapport, conquis l’estime de son parti, sa conduite à Edgehili fut oubliée, et il continua de prendre