Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/451

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sable, mais que le premier devoir d’un soldat était d’obéir d’abord aux ordres qu’on lui donnait, et qu’il n’avait pas le droit de les contrôler.

« Très bien, » reprit Strickalthrow-le-Miséricordieux, vieil Écossais refrogné ; je m’étonne où notre frère Zorobabel a pris cette faiblesse de cœur. — Je désire seulement, répliqua Zorobabel, que quatre ou cinq créatures humaines puissent respirer l’air de Dieu quelques heures de plus. Il ne peut y avoir grand mal à retarder l’exécution, et le général aura le temps de réfléchir. — Oui, mais je suis obligé d’exécuter mes ordres plus ponctuellement que tu n’y es tenu, ami Zorobabel. — Alors la casaque grossière du simple soldat recevra l’orage comme l’habit galonné du capitaine, dit Zorobabel ; oui, je pourrais vous montrer des textes pour vous prouver que nous devons nous aider mutuellement et avec charité dans nos souffrances, vu que les meilleurs d’entre nous ne sont que de pauvres pécheurs qui se trouveraient dans la peine si on leur demandait trop tôt leur compte. — En vérité, je m’étonne, frère Zorobabel, dit Strickalthrow, que toi, vieux soldat, dont la tête a blanchi sur le champ de bataille, tu donnes de pareils conseils à un jeune officier. Notre général n’a-t-il pas la mission de purger le pays des méchants, de déraciner l’Amalécite et le Jébusite, le Pérusite, le Hittite, le Girgashite et l’Amorite ? Et ces hommes ne peuvent-ils pas être comparés à juste titre aux cinq rois qui se réfugièrent dans la caverne de Makedah, et furent livrés entre les mains de Josué, fils de Nun ? N’a-t-il pas ordonné à ses capitaines et à ses soldats de s’approcher et de leur mettre le pied sur le cou ? et en effet il les étouffa, les tua, et les fit suspendre à cinq arbres jusqu’au soir. Et toi, Gilbert Pearson, ne t’écarte pas du devoir qu’on t’a imposé ; mais agis comme te l’a ordonné celui qui a été choisi pour juger et délivrer Israël ; car il est écrit : « Maudit celui dont l’épée ne prend point part aux massacres ! »

Pendant que les deux soldats théologiens discutaient ainsi, Pearson, beaucoup plus inquiet de prévenir les désirs de Cromwell que de connaître la volonté du ciel, les écoutait dans l’indécision et la perplexité.