Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/95

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« Il n’y a pas à choisir, dit-il : Cromwell ou l’anarchie ; et l’idée qu’il ne doit son titre, comme chef du gouvernement exécutif, qu’au pur et simple consentement du peuple, pourra probablement arrêter le penchant trop naturel du pouvoir, et l’empêcher de se montrer arbitraire. S’il gouverne avec le concours des parlements, sans blesser les privilèges de ses sujets, pourquoi ne serait-ce pas Cromwell aussi bien que Charles ? Mais il faut que je prenne des mesures pour faire remettre ma lettre en main propre à ce futur souverain. Il n’est pas mauvais de prononcer le premier mot qui peut l’influencer, car il ne manquera pas de gens qui n’hésiteront pas à lui donner des conseils plus violents et par conséquent plus dangereux. »

Il résolut de confier l’importante missive aux soins de Wildrake, dont la témérité n’était jamais si apparente que lorsqu’il restait par hasard sans occupation. De plus, quand bien même ses principes d’honneur n’eussent pas été des plus solides, les services que lui avait rendus son ami Éverard lui assuraient sa fidélité.

Le colonel Éverard fit ces différentes réflexions en rassemblant les tisons épars dans le foyer, afin de raviver un peu le feu, et de chasser le désagréable frisson qui s’était emparé de son corps ; dès qu’il se fut un peu réchauffé, il retomba dans un sommeil d’où il ne fut tiré que par les rayons du soleil qui remplissaient l’appartement.

Il s’éveilla, se leva, se promena en long et en large dans la chambre, et contempla, à travers ses larges croisées en saillie, les objets les plus voisins. C’étaient des haies qu’on ne taillait plus, et des allées tout aussi négligées d’un certain désert, comme on l’appelait dans les anciens traités de jardinage, qui, autrefois bien entretenues et disposées avec la pompe de l’art horticulturaire, présentaient une suite d’ifs taillés en formes fantastiques, offrant d’étroites allées, puis de larges promenades, occupant trois acres de terre environ de ce côté de la Loge, et formant une séparation entre le parc et l’enclos du jardin. Cette clôture tombait alors en ruine en plusieurs endroits, et les biches avec leurs faons venaient tranquillement brouter l’herbe sous les fenêtres même du palais rustique.

Cet endroit avait été le théâtre favori des jeux de Markham dans son enfance. Il pouvait encore distinguer, quoiqu’il eût bien changé de forme, les créneaux verdoyants d’un château gothique, tous créés par les ciseaux du jardinier, vers lesquels il avait coutume de