Page:Œuvres de la citoyenne de Gouges.djvu/25

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maître, et la masse imposante des bons citoyens, timide, indécise, flotte entre ces deux partis homicides ! On parle ouvertement de la contre-révolution, et l’on désire déjà un chef. Ô Français ! je l’avois prévu ; je voulois vous épargner la honte éternelle de votre lâcheté et de vos inconséquences ; moi seule, je me serois montrée digne de la révolution d’un peuple vertueux. Si un jour on me considère comme une seconde Cassandre, on reconnoîtra que ce n’est point dans une imagination exaltée que j’ai puisé mes prédictions, mais plutôt dans la dépravation de vos mœurs. Oui, dans la dépravation de vos mœurs. C’est à la suite des excès qui abrutissent le plus l’espèce humaine, que des hommes ont pris le nom de législateurs, ont tracé les massacres et le pillage. Ces massacres ont servi l’aristocratie, ont fait frémir tous les peuples, et tous les peuples se sont levés contre la France. Voilà, Philippe, le résultat de ce parti féroce. Que fera-t-il si les puissances étrangères sont victorieuses ? Qu’entreprendra-t-il de nouveau si elles sont vaincues ? Dans quelle affreuse alternative les bons citoyens ne se trouvent-ils pas ! Là des chaînes, ici des poignards. Quel Dieu tutélaire, quel homme assez grand nous sauvera ! quel génie bienfaisant veillera sur la France, et quelle force divine pourra détourner les coups dont elle est menacée