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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/86

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Angélique.

Tu nommes négligence un total abandon !
L’excuse n’a plus lieu non plus que le pardon.

Juliette.

Si Sainville a quitté sa retraite profonde
Pour aller se fourrer dans le tracas du monde,
C’est malgré lui ; pour moi, j’ai tout lieu de douter
Qu’il puisse encor long-tems s’y plaire & le goûter ;
Il n’a fait qu’obéir, & par force, à son pere ;
Son esprit, son humeur, son goût, son caractere,
Feront qu’il y sera tout-à-fait étranger :
Il est trop Philosophe.

Angélique.

Il est trop Philosophe.Ils l’auront fait changer.

Juliette.

Non, il est trop bien né ; c’est sur quoi je me fonde.
Quel triomphe pour vous ! quand dégoûté du monde…

Angélique.

Qu’il y reste, & s’y fasse un nom bien éclatant.
Juliette, je médite un projet important.

Juliette.

Vous voulez tout-à-fait renoncer à Sainville ?

Angélique.

Je voudrois être encor dans mon premier asile.

Juliette.

Eh ! pourquoi faire ? Au lieu de bénir chaque jour
La main qui vous a fait sortir de ce séjour,
Où les infortunés de qui vous êtes née,
Dès vos plus jeunes ans vous ont abandonnée,