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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/95

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Qui donne de l’encens ne donne rien du sien.

Sainville.

Eh ! mais, pardonnez-moi, mon estime est mon bien.

Le Président.

(à part.)(haut.)
Le bel amendement ! Souffrez que je réponde.

Sainville.

À des faits ?

Le Président.

À des faits ?Permettez. Quand j’entrai dans le monde,
Je le vis à peu près des mêmes yeux que vous ;
Chacun m’y déplaisoit, & je déplus à tous ;
Ne faisant point de grâce, on ne m’en fit aucune.

Sainville.

On s’en passe.

Le Président.

On s’en passe.L’on prit ma franchise importune
Pour un fiel répandu par la malignité ;
D’autres ne la taxoient que de rusticité ;
Et chacun s’élevoit sur mes propres ruines.
Où l’on cueilloit des fleurs, je cueillois des épines.
Ainsi par un scrupule un peu trop rigoureux,
J’ôtois à la vertu le droit de rendre heureux.
Alors, par une erreur qui n’est que trop commune,
J’imputois mes malheurs à l’aveugle fortune,
J’en faisois son forfait, loin de m’en accuser.
L’expérience enfin sçut me désabuser :
Je rompis mon humeur, rompez aussi la vôtre.
Nos besoins nous ont faits esclaves l’un de l’autre.