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Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/97

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Scène IV.

SAINVILLE, seul.

Qui ? moi ! pour mendier les biens les plus frivoles,
J’irois de porte en porte encenser des idoles,
Et feindre d’adorer l’objet de mes mépris !
La plus haute fortune est trop chere à ce prix.
Ah ! mon pere, en effet, quelle erreur est la vôtre !
Mon bonheur dépend-il d’être au-dessus d’un autre,
De briller dans le monde un peu plus, un peu moins ?
Eh ! bien, mon existence aura moins de témoins.
Est-ce un si grand malheur de n’éblouir personne,
De n’avoir que l’éclat que la probité donne ?
Quoi qu’il en soit enfin, je serai dans le cas ;
Et c’est un être heureux qu’on ne connoîtra pas.
Oui, cet objet charmant aura la préférence :
Adorable Angélique, ah ! quelle différence !
Le Ciel a pris plaisir à la former pour moi.
C’en est fait pour jamais, je rentre sous sa loi…
Depuis que j’ai cessé de cultiver sa flamme,
Puis-je encore espérer de regner dans son ame ?
Elle m’a tant aimé, que je dois me flatter
D’obtenir un pardon que je vais mériter.

(Il va pour sortir.)