Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/128

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à vue. On choisissoit pour cet office les plus âgées des religieuses, comme les plus difficiles à suborner ; mais ne faisant autre chose que nous promener tout le jour, nous les eûmes bientôt mises toutes sur les dents l’une après l’autre ; jusque-là, que deux ou trois se démirent le pied pour avoir voulu s’obstiner à courir avec nous. Je ne vous conterois pas ces petites choses, si les partisans de M. Mazarin ne les avoient pas publiées ; mais puisqu’ils m’en ont fait autant de crimes, je suis bien aise que vous en sachiez toute l’énormité.

Après avoir été trois mois dans ce couvent, nous eûmes permission d’aller à Chelles, où je savois que nous serions traitées plus raisonnablement, quoique nous ne pussions pas y avoir tant de visites ; et M. Mazarin arriva de Bretagne le même jour que nous y fûmes transférées. Ce fut à quelques jours de là qu’il y vint avec soixante chevaux, et permission de M. de Paris pour entrer dans le couvent, et m’enlever de force ; mais l’abbesse sa tante, ne se contentant pas de lui refuser l’entrée, me remit toutes les clefs entre les mains, pour m’ôter jusqu’au soupçon du mal qu’elle me pouvoit faire, à condition seulement que je parlerois à M. Mazarin. Je lui demandai fort ce qu’il vouloit, mais il me répondit toujours que je n’étois pas l’abbesse ; et lui ayant répliqué que j’étois abbesse pour lui ce jour-là, puisque j’avois toutes les clefs de la maison, et qu’il n’y pouvoit entrer que par ma faveur, il me tourna le dos et s’en alla. Un gentilhomme qui m’étoit venu visiter de la part de Mme la Comtesse, s’en fut tout rapporter à Paris, ajoutant que le bruit étoit à Chelles, que M. Mazarin n’étoit pas retiré tout à fait, et qu’il