Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/152

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tant de hauteur, et qu’il me fût permis d’aller demeurer chez ma tante Martinozzi. Une heure avant que Courbeville dût partir, et ma tante étant déjà au logis pour m’emmener, ma sœur, outrée de ce que je ne voulois plus demeurer chez elle, se mit à le railler en ma présence, et lui demanda s’il ne me fléchiroit point encore cette fois comme les autres. Cet homme qui étoit au désespoir de s’en aller, lui ayant répondu fort brusquement : que si je ne le lui ordannais pas il ne sortiroit point : qu’il ne respectait personne que moi ; elle lui commanda de sortir sur-le-champ, et lui dit, qu’il trouveroit à qui parler dans la cour. Il obéit de rage ; je ne doutai pas qu’on ne lui voulût faire un mauvais parti ; je crus lui devoir sauver la vie ; je sortis avec lui, et je le conduisis chez mon oncle, le cardinal Mancini.

Je me retirai ensuite chez ma tante, où je demeurai quelque temps enfermée, comme dans une prison. Néanmoins, quelque affligée que je fusse, je ne pus m’empêcher de rire de l’offre qu’elle me fit de danser les matassins, au son de ma guitare, pour me divertir. Je ne sais si le refus que j’en fis l’aigrit contre moi ; mais un jour que j’étois à la fenêtre, elle me dit fort rudement de m’en ôter, que ce n’étoit pas la coutume à Rome de s’y mettre ; et une autre fois que je m’y remis encore, elle m’envoya son confesseur me dire : qu’on m’en ferait ôter par force. Ce moine s’acquitta si insolemment de sa commission, que les larmes m’en vinrent aux yeux. L’écuyer du cardinal Chigi, qui travailloit des chevaux devant la maison, m’entendant plaindre, monta pour m’offrir ses services ; mais je n’eus plus le courage de rien dire, quand je le vis. Il alla pourtant