Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/234

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d’une opinion contraire, on n’a jamais vu d’homme plus contrariant. Quand j’apporte de bonnes raisons, Madame hait les raisonneurs. Quand j’allègue des exemples, c’est son aversion ; sur le passé, je suis un faiseur de vieux contes ; sur le présent, on me met au nombre des radoteurs ; et un Prophète irlandois1 seroit plutôt cru que moi, sur l’avenir.

Comme toutes choses ont leur temps, la conversation finit et le jeu commence, où si je perds, je suis une dupe ; si je gagne, un trompeur ; si je quitte, un brutal. Veux-je me promener ? J’ai l’inquiétude des jeunes gens : le repos est un assoupissement de ma vieillesse. Que la passion m’anime encore, ou me traite de vieux fou : que la raison règle mes sentiments, on dit que je n’aime rien, et qu’il n’y eut jamais d’indifférence pareille à la mienne. Les contraires me sont également désavantageux : pensant me corriger d’une chose qui vous a déplu, j’en fais une autre opposée, et je ne vous déplais pas moins. Dans la situation où je suis, j’ai appréhension de faillir, je meurs de peur de bien faire : vous ne me pardonnez aucun tort, vous me haïssez quand j’ai raison ; et je me trouve assez malheureux pour m’attirer souvent votre haine.



1. Voy. notre tome I, p. 68.