Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/389

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que votre exemple pour être dévot. Vous vivez dans un pays où l’on a de merveilleux avantages pour se sauver. Le vice n’y est guère moins opposé à la mode qu’à la vertu. Pécher, c’est ne savoir pas vivre et choquer la bienséance autant que la religion. Il ne falloit autrefois qu’être méchant ; il faut être de plus malhonnête homme pour se damner en France présentement. Ceux qui n’ont pas assez de considération pour l’autre vie, sont conduits au salut par les égards et les devoirs de celle-ci. C’en est assez sur une matière, où la conversion de M. le comte de Grammont m’a engagé : je la crois sincère et honnête. Il sied bien à un homme qui n’est pas jeune d’oublier qu’il l’a été. Je ne l’ai pu faire jusqu’ici : au contraire, du souvenir de mes jeunes ans, de la mémoire de ma vivacité passée, je tâche d’animer la langueur de mes vieux jours. Ce que je trouve de plus fâcheux à mon âge, c’est que l’espérance est perdue ; l’espérance, qui est la plus douce des passions et celle qui contribue davantage à nous faire vivre agréablement. Désespérer de vous voir jamais, est ce qui me fait le plus de peine : il faut se contenter de vous écrire quelquefois, pour entretenir une amitié qui a résisté à la longueur du temps, à l’éloignement des lieux, et à la froideur ordinaire de la vieillesse. Ce dernier mot me re-