Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/110

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chesse Mazarin ; et dans de charmantes pages12 qu’on peut lire en ces volumes, l’amitié ne lui apparoissoit plus, comme en 1647, au milieu des intrigues de la Fronde naissante, un trafic, mais une vertu, mais la plus délicieuse des affections humaines, bien préférable à l’amour lui-même. Voilà sans doute pourquoi il a dit à Des Maizeaux qu’il ne s’y reconnoissoit plus, et qu’il n’a pas voulu corriger les altérations de Barbin.

Il est probable qu’en 1647 il a écrit ces paroles : Il est certain que l’amitié est un commerce ; le trafic en doit être honnête ; mais enfin c’est un trafic13. Cette maxime avoit été discutée dans le salon de Mme de Sablé, et y avoit soulevé des tempêtes. Les âmes délicates s’en étoient révoltées, et la noble nature de Mme de Sablé la première. C’est pour répondre à Saint-Évremond qu’elle ne nomme pas, et non pas à La Rochefoucauld, que M. Cousin croit reconnoître à travers le papier de Mme de Sablé ; c’est pour répondre à Saint-Évremond, qu’elle composa cet écrit sur l’amitié : écrit perdu, pendant longtemps, et retrouvé et publié par M. Cousin, dans son ravissant volume de Madame de Sablé ; j’en suis à ses genoux, de reconnoissance. « Il y faut voir, dit M. Cousin, dans son style inimitable14, une réponse à quelqu’un de la société de Mme de Sablé qui devant elle avoit exprimé de basses pensées sur l’amitié. Ce quelqu’un-là est, à n’en pouvoir douter, La Rochefoucauld. Il avoit communiqué à


12. Voy. inf., p. 140 et suiv., et surtout tom. II, pag. 451 et suiv.

13. Voy. pag. 4 de ce volume.

14. Madame de Sablé, pag. 115.