Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/148

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misérable sagesse, de fuir le mal, non parce que la nature et la raison le veut ainsi, et parce que la loi du monde, dont vous êtes une pièce, le requiert, mais parce que vous n’osez, ou que vous craignez d’être battu. Qui est homme de bien par religion, ne l’est pas assez ; gardez-vous-en et ne l’estimez guère. » Il me semble entendre Ninon de Lenclos raillant Gourville, sur la fidélité du chanoine à lui restituer son dépôt. La doctrine de Charron est encore ici celle de La Mothe le Vayer, et de Saint-Évremond. Le terme d’esprit fort date de Charron ; il est resté dans la langue, et tout le monde connoît l’importance que lui a donné la Bruyère. Le P. Garasse, jésuite, s’est rué sur Charron, avec sa grossièreté ordinaire, mais il nous apprend que les jeunes seigneurs de son temps lisoient le livre de la Sagesse comme un livre spirituel.

Le livre du P. Garasse parut, en 1623, en un gros volume in-4º, sous ce titre : La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps. On y trouve, en effet, avec bien des sottises, un monument précieux de l’esprit du temps. Je me contenterai de reproduire ici quelques têtes de chapitre de cet ouvrage, où l’on voit les maximes que l’auteur s’eforçoit de combattre. Ce n’est point le dix-huitième siècle, c’est le dix-septième, qui les a formulées ; et c’est Garasse qui les a recueillies, pour les réfuter.

Livre II. Les beaux esprits ne croient point en Dieu, que par bienséance, et par maxime d’Estat.

Livre III. Un bel esprit est libre en sa créance et ne se laisse pas aisément captiver à la créance commune, de tout plein de petits fatras qui se proposent à la simple populace.