Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/165

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qui n’eût aucune religion, et qui, par principes, élevât avec soin leur fils à n’en point avoir… Ils rencontrèrent ce phénix accompli. »

Ce n’est point un homme isolé que peint ici Saint-Simon, quoi qu’il en dise, c’est un coin de la société du dix-septième siècle. Là s’entretient, se conserve l’esprit païen ; et de ce coin partira bientôt l’explosion du dix-huitième siècle. Le scepticisme étoit dans tous les esprits, à une certaine époque. Qu’importe que les jésuites aient élevé la génération qui est entrée dans le monde avec Louis XIII ? Saint-Évremond, Saint-Ibal6, Chapelle et Desbarreaux, avoient été nourris au collège de Clermont ; Théophile au collège de la Flèche, tenu aussi par les jésuites. Ce fou de Cyrano de Bergerac avoit été instruit par un prêtre, lequel probablement ne lui avoit pas inspiré ces deux vers, qui étoient dans la bouche de tous les beaux seigneurs de la Fronde :

Une heure après la mort notre âme évanouie
Sera ce qu’elle étoit, une heure avant la vie.

Les élèves des jésuites n’en sont pas moins devenus, avec le siècle, épicuriens ou sceptiques. C’est que le monde auquel les jésuites ont rendu leurs élèves vivoit de ces doctrines, et que les doctrines du monde ont retourné l’esprit des élèves. La scène originale du Pauvre, dans le festin de Pierre de Molière, n’est-elle pas du pur dix-huitième siècle ? La fable des Deux rats, le renard et l’œuf, ne sent-elle pas le conte philosophique de Voltaire ? Elle ne re-


6. Voy. pag. 267 de la Muse historique de Loret, édit. de M. Ravenel. Voy. aussi inf. p. 38.