Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/177

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non ; et celui de Paris, ou de la ville indépendante, où couvoit en silence l’esprit sceptique épicurien, plus ou moins modéré, abrité de l’appui des salons du parlement, de la finance et de la haute noblesse. La philosophie de Saint-Évremond avoit des forteresses respectées dans le salon si bien peuplé de la rue des Tournelles, où Ninon conservoit sa mémoire avec le culte de l’amitié, et dans les réunions moins discrètes du Temple et d’Anet, où la régence, et pire encore, étoit toute en germe, chez les Vendôme. Il ne manquoit aux scandales que la publicité qui n’avoit point alors l’éclat emporté de notre temps. Les bienséances régnoient encore en la plupart des compagnies, et Fontanelle en est un type remarquable. Mais si Bossuet avoit assuré, par son génie et la grandeur de son caractère, le triomphe du catholicisme gallican, si Louis XIV avoit commandé toujours le respect, pour sa personne royale et son autorité ; avec Louis XIV et Bossuet, tout disparut : l’esprit de Paris l’emporta sur celui de Versailles, et le scepticisme un moment refoulé, reprit un essor impétueux, irrésistible ; ce fut le souffle du dix-huitième siècle, émané de celui de Saint-Évremond, avec la sérénité de moins.

Terminons par ce portrait charmant que Saint-Évremond nous a laissé de lui-même, et qui nous donne une idée si juste de sa philosophie :

« C’est un philosophe également éloigné du superstitieux et de l’impie ; un voluptueux qui n’a pas moins d’aversion pour la débauche, que d’inclination pour les plaisirs ; un homme qui n’a jamais senti la nécessité, qui n’a jamais connu l’abondance. Il vit dans une condition méprisée de ceux qui ont