Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/232

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tel de Rambouillet qu’il avoit jadis fréquenté, car, pour les raffinements, toutes les écoles étoient d’accord ; mais bientôt la division se manifeste entre les platoniques et les épicuriens ; entre les amants à la Scudéry et les amants à la Saint-Évremond. Platon, le divin Platon, avoit aussi connu l’amour, et il s’en explique avec un respect religieux, qu’on ne retrouve plus qu’au dix-septième siècle, chez Pascal. D’un homme touché par l’amour, il dit : cet amant dont la personne est sacrée ; et ceux qui aiment sont, à ses yeux, des amis divins inspirés par les dieux. Mais Platon, presque seul chez les anciens, a donné sérieusement à l’amour ce caractère ; et l’amour sensuel eut bien plus de vogue parmi eux que l’amour sentimental, surtout chez les Romains. Or, au seizième siècle, l’érudition classique avoit déjà ressuscité les opinions anciennes sur l’amour, et les avoit remises en honneur, dans un monde déjà si bien disposé par les conteurs du moyen âge et de la renaissance. Survenant l’influence de la chevalerie espagnole, on eut, à côté de l’amour de Bocace et du pastor fido, l’amour selon Corneille, et, en face de l’amour de Platon, l’amour enseigné par Épicure.

Platon avoit transporté l’amour dans les régions supérieures de l’âme, avec trop de prédominance, peut-être, sur les mouvements naturels. Épicure a suivi la voie contraire. Saint-Évremond prend une voie moyenne et cherche à rétablir l’équilibre entre les sens et l’imagination, mais en penchant vers Épicure. On conviendra que les sectateurs de Platon ont, en général, conservé la supériorité morale, sur les sectateurs d’Épicure. Un seul homme