Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/233

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et une seule femme ont relevé l’école épicurienne : c’est Saint-Évremond et Ninon de l’Enclos : Saint-Évremond, en mêlant la bienséance et l’esprit à l’émotion des sens, et l’attachement de l’amour aux délicatesses du sensualisme ; et Ninon de Lenclos par d’autres qualités dont nous parlerons plus tard.

Bussy écrivoit un jour à sa cousine : « J’ai appris que vous aviez été malade… ; j’ai consulté votre mal à un habile médecin. Il m’a dit que les femmes d’un bon tempérament, comme vous, demeurées veuves de bonne heure, et qui s’étoient un peu contraintes, étoient sujettes à des vapeurs. Cela m’a remis de l’appréhension que j’avois d’un plus grand mal ; car, enfin, le remède étant entre vos mains, je ne pense pas que vous haïssiez assez la vie pour n’en pas user, ni que vous eussiez plus de peine à prendre un galant que du vin émétique. Vous devriez suivre mon conseil, ma chère cousine, d’autant plus qu’il ne sauroit vous paroître intéressé ; car si vous aviez besoin de vous mettre dans les remèdes, étant à cent lieues de vous, comme je suis, vraisemblablement ce ne seroit pas moi qui vous en servirois. »

Et l’aimable cousine, prêtant l’esprit françois à l’honnêteté platonique, lui répond : « Votre médecin qui dit que mon mal sont des vapeurs, et vous qui me proposez le moyen d’en guérir, n’êtes pas les premiers qui m’avez conseillé de me mettre dans les remèdes spécifiques ; mais la raison de n’avoir point eu de précaution pour prévenir ces vapeurs, par les remèdes que vous me proposez, m’empêchera encore d’en user pour les guérir. Le désintéressement dont vous voulez que je vous loue, n’est pas si estima-