Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/278

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respectable, Marion étoit d’une des meilleures maisons de Champagne, riche, considérée et possédant de beaux manoirs. Elle naquit vers 1611. La famille de Lorme avoit un établissement à Paris, sous la paroisse de Saint-Paul, et destina Marion au couvent. Comme elle ne répondit point à ce vœu, on voulut la marier. Mais elle avoit déjà goûté la philosophie épicurienne qui couroit les salons du Marais, où abondoient les esprits forts. Elle y fut initiée par le célèbre Desbarreaux. Marion refusa un engagement qui l’enchaînoit, et il faut lui savoir gré de cette honnêteté. Elle étoit d’une beauté merveilleuse. La poursuite animée de Desbarreaux provoqua ses premiers sentiments ; entraînée par cet esprit vif, hardi, brillant et téméraire, elle l’aima d’un amour abandonné. Qui cède à Mars peut se rendre à Neptune, comme dit Voltaire de Pandore ; le marquis de Rouville rechercha Marion, fit goûter ses agréments, fort en vogue à la place Royale, et supplanta Desbarreaux. Il fut plus tard un des amants de Mme de Montbazon, et il y laissa bien des plumes, s’il faut en croire Tallemant. Mais fort épris, alors, de Marion, il se battit pour elle avec le marquis de la Ferté Senneterre, bonne et belle épée de ce temps. Puis vinrent Miossens, qui fut le maréchal d’Albret, autre ami de Saint-Évremond, et Arnaud, le mestre de camp. Mais, la plus vive passion et la plus retentissante qu’inspira Marion, fut celle de Cinq-Mars, plus tard M. Le Grand. Tout Paris s’en émut. Cinq-Mars quitta sa mère et se vint loger chez Ruvigny, rue Saint-Antoine, pour vivre librement avec Marion, qui habitoit la place Royale, à côté de l’hôtel Guéménée d’aujourd’hui. La mai-