Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/282

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Tantôt elle veut retenir
L’image des choses passées,
Et le plus tendre souvenir
Entretient ses molles pensées.

Tantôt, excitant ses désirs,
Son âme encor voluptueuse,
Qui soupire après les plaisirs,
S’attache à quelqu’ombre amoureuse.

Dans ses inutiles desseins,
Elle va chercher, etc.

Revenons à Ninon de Lenclos. Inférieure à Marion pour la beauté, supérieure par l’esprit et le caractère, elle a obtenu ce qu’on a refusé à celle-ci, la considération. Tout en conservant la plus complète indépendance, elle a professé le respect de l’opinion. Elle a vu, dans le cours d’une existence plus longue et plus réglée que celle de Marion, le terrible Richelieu aimable pour elle, la fière Christine de Suède dans son salon, le grand Condé chapeau bas à sa portière, presque tous les beaux esprits du siècle empressés auprès de sa personne. En lui donnant le premier rang, dans le Dictionnaire des précieuses, ce catalogue si curieux des femmes distinguées de l’époque, Somaize parle d’elle avec autant d’estime que Saint-Simon, et le témoignage en est d’autant plus remarquable, que Ninon avoit alors quarante ans (en 1660), que tous les actes de sa vie étoient connus, et qu’elle estimoit peu l’affectation des Précieuses. Sous le nom de Nidalie, Somaize en trace le portrait suivant :

« C’est une étrange chose que le penchant que nous avons à juger des gens par l’apparence, et qu’elle l’emporte presque toujours sur la raison. Ce prélude, peut-être, semblera inutile en parlant d’une