Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/297

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Saint-Évremond adressa à la belle fugitive, cette charmante cpître dont nous avons déjà parlé : Philis, qu’êtes-vous devenue ? etc. La voix du maître ramena l’amoureuse à Paris. On venoit de sortir des troubles de la Fronde, à la faveur desquels M. de Lenclos père avoit cru pouvoir revenir de l’exil. Sa fille eut à peine le temps de l’embrasser et de lui fermer les yeux. Elle avoit alors trente-deux ans.

Gourville, homme de beaucoup d’esprit, très-attaché à la maison de Condé, se crut obligé de s’exiler, après l’arrestation des princes. C’est en ce moment qu’il confia le fameux dépôt à Ninon, si fidèle à restituer à l’ami, si prompte à remplacer le galant. La société de notre épicurienne devint tant à la mode, après son retour, qu’on vit se présenter chez elle tous les parvenus qui vouloient prendre rang dans le monde. Elle fut sans quartier pour le plus grand nombre. Le président Tambonneau, dit Tallemant, alloit chez Ninon « pour faire d’autant plus l’homme de cour. » Ninon s’en moquoit fort. Il paroît qu’à cette époque elle étoit dans la force de son talent sur le luth. C’étoit à qui obtiendroit de l’entendre ; mais, elle n’en prodiguoit pas la faveur.

Les délations intolérantes d’une autre époque se renouvelèrent, vers 1656 ; on n’en sauroit douter. De pieux dénonciateurs émurent la reine Anne d’Autriche, dont grande étoit pourtant l’indulgence. Mais que Ninon ait été emprisonnée aux Madelonnettes, ou aux filles repenties, comme l’ont cru Tallemant, l’auteur du journal anonyme encore inédit, cité par M. P. Paris, et beaucoup d’autres après eux : tout cela est pure fable, ainsi que les propos gaillards qu’on prête à Ninon à ce sujet. Jamais elle n’aima