Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/36

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Saint-Évremond en rapporta l’émancipation de sa pensée, un esprit pratique et vrai, un tact délicat et sûr, que ne sauroient donner les leçons du collège. Il lut Montaigne, dont le P. Canaye avoit oublié de lui parler, et il en fit le livre de toute sa vie. Il nous apprend lui-même que, vers cette époque, son esprit se porta vers les matières philosophiques, avec une curiosité profonde et réfléchie. Il examima s’il étoit bien vrai que les maîtres lui eussent fait connoître la nature des choses. Ce qu’ils lui avoient fait recevoir comme évident, dit Des Maizeaux, lui paroissoit à peine vraisemblable. Le scepticisme avoit en lui déjà l’un de ses adeptes. Les conversations qu’il eut avec Gassendi datent de ce temps (1639). Elles portèrent leur fruit et fixèrent sa vocation pour le doute philosophique. Alors, dit-il, « la philosophie qui m’étoit déjà suspecte, me parut trop vaine, pour m’y assujétir plus longtemps : je rompis tout commerce avec elle, et commençai d’admirer comme il étoit possible à un homme sage de passer sa vie à des recherches inutiles. »

Non content d’employer ses facultés supérieures à l’analyse de la certitude et à l’observation générale des phénomènes de la vie humaine, il voulut assouplir son intelligence par les exercices les plus variés : tantôt, animant son imagination, par la poésie ; et tantôt, reportant vers la critique littéraire les jugements de son esprit.

Le goût de la littérature italienne, introduit par les Médicis, avoit encore la vogue, dans les salons. Anne d’Autriche y ajouta celui de la littérature espagnole, jusqu’alors peu connue à Paris. Saint-