mariés ensemble, vinrent chercher du secours dans sa vertu, contre certains esprits de discorde, disoient-ils, qui troubloient leur mariage, et ruinoient la paix de la maison. C’étoit un gentilhomme âgé de quarante-cinq ans, qui sentoit assez et sa naissance et son bien. Il me semble que j’ai la demoiselle5 devant les yeux : elle avoit environ trente-cinq ans, et paroissoit bien faite de sa personne ; mais on pouvoit déjà voir qu’il y avoit eu autrefois plus de délicatesse dans ses traits. J’ai nommé l’époux le premier pour la dignité du rang : la femme voulut néanmoins parler la première, soit parce qu’elle se crut plus tourmentée de son esprit, ou qu’elle fût seulement pressée de l’envie naturelle à son sexe de parler.
« J’ai un mari, dit-elle, le plus honnête homme du monde, à qui je donne mille chagrins, et qui ne m’en donne pas moins à son tour. Mon intention seroit de bien vivre avec lui, et je le ferois toujours, si un esprit étranger, dont je me sens saisir, à certains moments, ne me rendoit si fière et si insupportable, qu’il n’est pas possible de me souffrir. Mes agitations cessées, je reviens à ma douceur naturelle, et je n’oublie alors aucun soin, ni aucun agré-
5. Dans le langage du dix-septième siècle, on qualifioit de demoiselles les femmes mariées qui étoient de naissance noble.