Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/496

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que nous-mêmes, qui sommes sur le point de nous manquer. Il en est de la vie comme de nos autres biens ; tout se dissipe, quand on pense en avoir un grand fond : l’économie ne devient exacte que pour ménager le peu qui nous reste. C’est par là qu’on voit faire aux jeunes gens comme une profusion de leur être, quand ils croient avoir longtemps à le posséder. Nous nous devenons plus chers, à mesure que nous sommes plus prêts de nous perdre. Autrefois, mon imagination errante et vagabonde se portoit à toutes les choses étrangères : aujourd’hui, mon esprit se ramène au corps, et s’y unit davantage. À la vérité, ce n’est point par le plaisir d’une douce liaison ; c’est par la nécessité du secours et de l’appui mutuel qu’ils cherchent à se donner l’un à l’autre.

En cet état languissant, je ne laisse pas de me conserver encore quelques plaisirs ; mais j’ai perdu tous les sentiments du vice, sans savoir si je dois ce changement à la foiblesse d’un corps abattu, ou à la modération d’un esprit devenu plus sage qu’il n’étoit auparavant. Je crains de le devoir aux infirmités de la vieillesse, plus qu’aux avantages de ma vertu ;


ci. La délicatesse du courtisan, l’esprit fin de l’homme de lettres, le bon sens du philosophe, s’y montrent dans leur jour le plus aimable.