Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/557

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Dans ces confidences si entières, on ne doit avoir aucune dissimulation. On traite mieux un ennemi qu’on hait ouvertement, qu’un ami5 à qui on se cache, avec qui on dissimule6.

Peut-être que notre ennemi recevra plus de mal, par notre haine ; mais un ami recevra plus d’injure, par notre feinte. Dissimuler, feindre, déguiser, sont des défauts qu’on ne permet pas, dans la vie civile ; à plus forte raison ne seront-ils pas soufferts, dans les amitiés particulières.

Mais, pour conserver une chose si précieuse que l’amitié, ce n’est pas assez de se précautionner, contre les vices, il faut être en garde, même contre les vertus ; il faut être en garde contre la justice. Les sévérités de la justice ne conviennent pas avec les tendresses de l’amitié. Qui se pique d’être juste, ou se sent déjà méchant ami, ou se prépare à l’être. L’Évangile ne recommande guère la justice, qu’il ne recommande aussi la charité ; et c’est, à mon avis, pour adoucir une vertu, qui seroit austère, et presque farouche, si on n’y mêloit un peu d’amour. La justice, mêlée avec les autres vertus, est une chose admirable : toute seule, sans aucun mélange de bon naturel, de dou-


5. Var. Un ami avec qui, etc.

6. Autre pensée d’un ancien.