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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/109

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agitée depuis, il ne sera pas hors de propos de vous le faire connoître.

C’étoit un homme fort considérable par sa naissance, par les avantages du corps et par les qualités de l’esprit ; d’un génie opposé à celui du grand Scipion, dont Cornelia sa mère étoit sortie ; plus ambitieux du pouvoir, qu’animé du désir de la gloire, si ce n’étoit de celle de l’éloquence, nécessaire à Rome pour se donner du crédit. Il avoit l’âme grande et haute ; plus propre toutefois à embrasser des choses nouvelles et à rappeler les vieilles, qu’à suivre solidement les établies. Son intégrité ne pouvoit souffrir aucun intérêt d’argent pour lui-même : il est vrai qu’il ne procuroit guère celui des autres, sans y mêler la considération de quelque dessein. Avec cela, l’amour du bien lui étoit assez naturelle, la haine du mal encore davantage : il avoit de la compassion pour les opprimés, plus d’animosité contre les oppresseurs ; en sorte que la passion prévalant sur la vertu, il haïssoit insensiblement les personnes plus que les crimes.

Plusieurs grandes qualités le faisoient admirer chez les Romains ; il n’en avoit pas une dans la justesse où elle devoit être. Ses engagements le portoient plus loin qu’il n’avoit pensé : sa fermeté se tournoit en quelque chose d’opiniâtre ; et des vertus qui pouvoient être