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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/125

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par où l’on peut voir la bonté de son jugement, aussi bien pour les ouvrages, que pour les affaires. Il aimoit le goût exquis de son siècle, dont la délicatesse a été peu commune dans tous les autres. Mais il craignoit les singularités qui venoient d’un esprit faux, et dont les méchants connoisseurs font le mérite extraordinaire. Comme il vivoit parmi des gens délicats, il prenoit plaisir à voir ses choix approuvés ; et son opinion étoit qu’il vaut mieux tomber naturellement dans le bon sens des autres, par sa raison, que de faire recevoir ses caprices, par autorité.

Outre l’honneur de son jugement dont il fut jaloux, il croyoit encore qu’un bienfait désapprouvé n’étoit grâce que pour un seul, et injure pour plusieurs ; que la disgrâce d’un honnête homme, au contraire, étoit ressentie de tous les honnêtes gens, par la pitié qu’elle fait aux uns, et l’allarme qu’elle donne aux autres.

Il avoit un discernement admirable à connoître l’humeur et l’ambition des personnes les plus élevées, sans concevoir néanmoins des soupçons funestes à leur vertu.

La liberté des sentiments ne lui déplut point sur les choses générales, estimant que les hommes y ont leurs droits ; que c’est un crime de rechercher curieusement les secrets du prince, et une infidélité de ne pas bien user de sa