Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/126

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confidence ; mais que les affaires devenues publiques appartenoient, malgré qu’on en eût, au jugement du public ; qu’il falloit se le représenter avant que d’agir, et ne pas prétendre de le pouvoir empêcher, quand les actions étoient faites.

Ce fut peut-être sur la connoissance de son humeur, que Tite-Live osa écrire si hardiment la guerre de César et de Pompée, sans qu’il en ait été moins bien avec lui. Cremutius Cordus lui récita son histoire, et il ne se scandalisa point d’y voir nommer Brutus et Cassius, les derniers des Romains. Louange funeste à Cremutius, sous Tibère, dont on lui fit, dit Tacite, un crime inouï jusqu’alors, et qui lui coûta la vie6. Mécénas lui avoit donné un conseil plus particulier encore, mais d’un usage plus difficile : c’étoit « de ne se piquer jamais de ce qu’on diroit contre lui.

« Si ce qu’on dit de nous est vrai, ajoutoit Mécénas, c’est plutôt à nous de nous corriger, qu’aux autres de se contraindre. Si ce qu’on dit est faux, aussitôt que nous nous en piquerons, nous le ferons croire véritable. Le mépris de tels discours les décrédite, et en ôte le plaisir à ceux qui les font. Si vous y êtes plus sen-


6. Voy. Tacit., Annal., IV, cap. 34. — Objectum et historico (Cremutio Cordo) quod Brutum Cassiumque ultimos Romanorum dixisset. Suétone, in Tiberio, cap. 61.