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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/147

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d’Achille : ô, Achille, que je te trouve heureux d’avoir eu un ami fidèle pendant ta vie, et un poëte comme Homère après ta mort !

Jusqu’ici, nous avons cherché ces deux grands hommes dans leur naturel ; il est temps d’examiner le génie des conquérants, et de les considérer dans toute l’étendue de l’action. Il y a quelque espèce de folie à raisonner sur des choses purement imaginaires ; néanmoins, selon toute la vraisemblance, si Alexandre se fût trouvé en la place de César, il n’auroit employé ses grandes et admirables qualités qu’à sa propre ruine. On peut croire que son humeur altière et ennemie des précautions, l’eût mal conservé dans les persécutions de Sylla ; difficilement eût-il pu chercher sa sûreté dans un éloignement volontaire. Comme il donnoit par un pur mouvement de libéralité, ses largesses lui eussent été pernicieuses. Au lieu d’attendre l’édilité, où les magnificences et les profusions étoient permises, ses dons et ses présents hors de saison l’auroient rendu justement suspect au sénat. Peut-être n’auroit-il pu s’assujettir à des lois qui eussent gêné une âme si impérieuse que la sienne ; et, tentant quelque chose à contre-temps, il auroit eu le destin de Manlius, des Gracques, de Catilina. Mais, si Alexandre eût péri dans la république, César, dont le courage et la précaution