Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/187

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nons quelquefois aux jeunes gens une estime précipitée par la faveur de nos sentiments. Quelquefois aussi nous rendons une justice bien lente à leur vertu, oubliant à louer ce qu’ils font de bien, dans le temps de l’exercice et de l’action, pour donner des louanges à ce qu’ils ont fait, dans la cessation et le repos. Rarement on ajuste la réputation à la vertu, et j’ai vu mille gens en ma vie estimés, ou du mérite qu’ils n’avoient pas encore, ou de celui qu’ils n’avoient déjà plus : on trouve en M. le marquis de Créqui un ajustement si rare. Quelques grandes espérances qu’il donne de l’avenir, il fournit dans le présent de quoi contenter les plus difficiles, et il a seulement à désirer ce que les autres ont à craindre, l’attention des observateurs et la délicatesse des bons juges.

« Un premier ministre, un favori, qui chercheroit dans la cour un sujet digne de sa confiance, n’en sauroit trouver, à mon avis, qui la mérite mieux, que M. de Ruvigny13. Vous verrez peut-être, en quelques autres, ou un talent plus brillant, ou de certaines actions d’un plus grand éclat que les siennes. À tout prendre, à juger des hommes par la considération de toute la vie, je n’en connois point qu’on


13. Henri Massués, marquis de Ruvigni. Voy. Tallemant, passim ; et surtout t. II, p. 230 : t. III, p. 414 à 454, à propos de mesdames de Rohan.