Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/19

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le personnage neutre : il lut les mémoires de César, pour fortifier son esprit, qui n’étoit pas encore bien résolu. Quand il vint au passage du Rubicon, il s’arrêta tout court, comme avoit fait ce grand capitaine ; et, après avoir un peu rêvé, il s’écria comme lui : Le Rubicon est passé : à tout perdre, il n’y a qu’un coup périlleux. Il sort là-dessus, avec une émotion extrême, sans regarder Boncœur, sans regarder le petit Henry[1] : sachant bien que la vue des femmes et des enfants peut amollir les plus fiers courages. Sans rien dire à pas un de ses amis, il va trouver le duc de Longueville et lui tenir ce discours : J’ai toujours été votre serviteur, mais non pas avec un attachement si particulier, que cela m’obligeât de vous servir, en cette rencontre. Aujourd’hui, je veux entrer dans vos intérêts, et viens assurer Votre Altesse que je me donne entièrement à elle.

La joie de ce duc fut grande, et de celles qui, ne pouvant être renfermées dans le cœur, font d’ordinaire quelque impression sur le visage ; mais elle fut modérée, lorsque Barberousse se fut expliqué de cette sorte : La déclaration que je fais n’est pas si générale que je n’y mette encore une condition. Je prétends demeurer ici, quand vous irez à la guerre : ce

  1. Fils de Franquetot.