Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/212

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jettissent le nôtre. Au contraire, il faut nous dégager de tout ce qui nous attire, de ce qui nous impose, de ce qui soumet notre entendement, afin de nous laisser chez nous-mêmes avec un plein usage de nos lumières : attachés néanmoins, autant que nous pouvons l’être, à chaque terme d’un style coupé et d’une construction variée, de peur que l’esprit ne vînt à se dissiper en des considérations trop vagues. Par là, un lecteur est obligé de donner toute son attention aux diverses singularités, et d’examiner séparément chaque trait de la peinture.

C’est ainsi que les anciens formoient leurs éloges. Pour nous, si nous avions à dépeindre un naturel semblable à celui de Catilina, nous aurions de la peine à concevoir dans une même personne des qualités qui paroissent opposées. Tant de hardiesse, avec un si grand artifice, tant de fierté et tant de finesse, tant d’ardeur en ce qu’il désiroit, avec tant de feinte et de dissimulation.

Il y a des différences délicates entre des qualités qui semblent les mêmes, que nous découvrons malaisément. Il y a quelquefois un mélange de vice et de vertu, dans une seule qualité, que nous ne séparerons jamais. Véritablement, il nous est facile de connoître les vertus quand elles sont nettes et entières ; et d’ordinaire nous donnons de la prudence dans