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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/233

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Si les singularités sont des espèces de défauts dans la société, M. de Turenne en avoit deux qu’on reproche à bien peu de gens : un désintéressement trop grand, lorsqu’on voyoit régner un esprit d’intérêt universel ; et une probité trop pure, dans une corruption générale.

Son changement de religion fut sensible à tous les protestants ; ceux qui l’ont connu ne l’ont attribué, ni à l’ambition, ni à l’intérêt. Dans tous les temps, il avoit aimé à parler de religion, particulièrement avec M. d’Aubigny, disant toujours que les réformés avoient la doctrine plus saine, mais qu’ils ne devoient pas se séparer, pour la faire prendre insensiblement aux catholiques. « Quand on avoue qu’on a eu tort de sortir d’une Église, reprit M. d’Aubigny, on est bien près d’y rentrer, et si je survis à Mme de Turenne, je vous verrai dans la nôtre. » M. de Turenne sourit, et ce sourire n’expliquoit pas assez si c’étoit pour se moquer de la prédiction de M. d’Aubigny, ou pour l’approuver. Dans l’une et dans l’autre religion, il alloit toujours au bien : huguenot, il n’avoit rien d’opposé à l’intérêt des catholiques ; converti, il n’avoit point de zèle préjudiciable à la sûreté des huguenots. Dans la déférence qu’avoit le roi pour son grand sens, il est à croire qu’il l’auroit suivi, et que les ministres huguenots n’auroient pas à se plaindre