Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/252

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m’est témoin si je suis d’autre mouvement que celui de la raison.

Trois choses, si je ne me trompe, ont ruiné Monsieur de Beaufort, dans votre esprit ; son accommodement avec Monsieur le cardinal, l’Amirauté qu’il a prise, et les sollicitations qu’il a faites dans les dernières assemblées.

Pour son accommodement, à moins que de le traiter avec beaucoup d’injustice, vous ne le sauriez trouver mauvais. S’il s’étoit accommodé, sans considérer vos intérêts, et n’avoir eu soin que des siens, vous auriez sujet de vous plaindre ; mais il est certain que le but de sa réconciliation est de chercher des moyens plus sûrs et plus faciles de perdre le cardinal. Il a vu toutes les provinces soulevées sans fruit ; il a vu que la haine ouverte et déclarée ne servoit de rien ; il a eu recours aux apparences de l’amitié ; et, comme il dit lui-même, il a fait dessein de le perdre par le cabinet.

Son esprit, aussi capable d’intrigue que de guerre, et de dextérité que de hardiesse, lui fournira mille moyens adroits et ingénieux, sans parler de son étoile politique qui le destine au gouvernement de l’État, et le met au-dessus de toutes les finesses d’Italie.

Si quelque personne, un peu trop délicate sur l’honneur, ne peut approuver que Monsieur de Beaufort conserve les sentiments de ruiner le cardinal, après en avoir reçu des bienfaits si considérables, je lui réponds qu’il n’a point traité avec lui comme son ami ; mais, au contraire, je me persuade qu’en prenant l’Amirauté, il lui a fait le tour du plus cruel ennemi qu’il eût au monde.