Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dames, qu’elles donneroient des louanges à sa discrétion.

Mais ce que Pétrone a de plus particulier, c’est qu’à la réserve d’Horace, en quelques odes, il est peut-être le seul de l’antiquité qui ait su parler de galanterie. Virgile est touchant dans les passions : les amours de Didon, les amours d’Orphée et d’Eurydice ont du charme et de la tendresse ; toutefois, il n’a rien de galant, et la pauvre Didon, tant elle avoit l’âme pitoyable, devint amoureuse du pieux Énée, au récit de ses malheurs. Ovide est spirituel et facile, Tibulle délicat, cependant il falloit que leurs maîtresses fussent plus savantes que Mlle de Scudéri. Comme ils allèguent les dieux, les fables et des exemples tirés de l’antiquité la plus éloignée, ils promettent toujours des sacrifices ; et je pense que M. Chapelain a pris d’eux la manière de brûler les cœurs en holocauste20. Lucien, tout ingénieux qu’il est, devient grossier, sitôt qu’il parle d’amour. Ses courtisanes ont plutôt le langage des lieux pu-


20. Chapelain fait parler le comte de Dumois (amoureux de la Pucelle d’Orléans), en ces termes :

Pour ces célestes yeux, et ce front magnanime,
Je sens un feu subtil, qui surpasse l’estime :
Je n’en souhaite rien ; et si j’en suis amant,
D’un amour sans désir je le suis seulement.
De ce feu toutefois, que me sert l’innocence,
Si tout sage qu’il est, il me fait violence ?