Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/328

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Si ce que je dis est fondé sur de bonnes et solides raisons, il faut nous contenter de choses purement naturelles, mais extraordinaires, et choisir, en nos héros, des actions principales qui soient reçues dans notre créance comme humaines, et qui nous donnent de l’admiration comme rares et élevées au-dessus des autres. En deux mots, il ne nous faut rien que de grand, mais d’humain : dans l’humain, éviter le médiocre ; dans le grand, le fabuleux.

Je ne veux pas comparer la Pharsale à l’Énéide ; je connois la juste différence de leur valeur : mais à l’égard de l’élévation, Pompée, César, Caton, Curion, Labienus ont plus fait pour Lucain que n’ont fait pour Virgile Jupiter, Mercure, Junon, Vénus et toute la suite des autres déesses et des autres dieux.

Les idées que nous donne Lucain des grands hommes sont véritablement plus belles, et nous touchent plus, que celles que nous donne Virgile des immortels. Celui-ci a revêtu ses dieux de nos foiblesses, pour les ajuster à la portée des hommes ; celui-là élève ses héros jusqu’à pouvoir souffrir la comparaison des dieux :

Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni.

Dans Virgile, les dieux ne valent pas des