Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/330

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spiré au théâtre avec tant d’art, ne devint que trop naturel dans les armées.

À Sparte et à Rome, où le public n’exposoit à la vue des citoyens que des exemples de valeur et de fermeté, le peuple ne fut pas moins fier et hardi dans les combats, que ferme et constant dans les calamités de la république. Depuis qu’on eut formé dans Athènes cet art de craindre et de se lamenter, on mit en usage à la guerre ces malheureux mouvements qui avoient été comme appris aux représentations.

Ainsi l’esprit de superstition causa la déroute des armées, et celui de lamentation fit qu’on se contenta de pleurer les grands malheurs, quand il falloit y chercher quelque remède. Mais comment n’eùt-on pas appris à se désoler, dans cette pitoyable école de commisération ? Ceux qu’on y représentoit étoient des exemples de la dernière misère, et des sujets d’une médiocre vertu.

Telle étoit l’envie de se lamenter, qu’on exposoit bien moins de vertus que de malheurs, de peur qu’une âme élevée à l’admiration des héros ne fût moins propre à s’abandonner à la pitié pour un misérable ; et, afin de mieux imprimer les sentiments de crainte et d’affliction aux spectateurs, il y avoit toujours sur le théâtre des chœurs d’enfants, de vierges, de