Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vieillards, qui fournissoient à chaque événement, ou leurs frayeurs, ou leurs larmes.

Aristote connut bien le préjudice que cela pourroit faire aux Athéniens ; mais il crut y apporter assez de remède, en établissant une certaine purgation, que personne jusqu’ici n’a entendue, et qu’il n’a pas bien comprise lui-même, à mon jugement : car y a-t-il rien de si ridicule que de former une science qui donne sûrement la maladie, pour en établir une autre qui travaille incertainement à la guérison ? que de mettre la perturbation dans une âme, pour tâcher après de la calmer, par les réflexions qu’on lui fait faire, sur le honteux état où elle s’est trouvée ?

Entre mille personnes qui assisteront au théâtre, il y aura peut-être six philosophes, qui seront capables d’un retour à la tranquillité, par ces sages et utiles méditations ; mais la multitude ne fera point ces réflexions, et on peut presque assurer que, par l’habitude de ce qu’on voit au théâtre, on s’en formera une de ces malheureux mouvements.

On ne trouve pas les mêmes inconvénients dans nos représentations, que dans celles de l’antiquité, puisque notre crainte ne va jamais à cette superstitieuse terreur qui produisoit de si méchants effets pour le courage. Notre crainte n’est le plus souvent qu’une agréable