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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/333

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vant de ce qu’ils craignent le plus, pour garantir le sujet de leur amour. L’amour a une chaleur qui sert de courage à ceux qui en ont le moins. Mais, à confesser la vérité, nos auteurs ont fait un aussi méchant usage de cette belle passion, qu’en ont fait les anciens de leur crainte et de leur pitié : car, à la réserve de huit ou dix pièces, où ses mouvements ont été ménagés avec beaucoup d’avantage, nous n’en avons point où les amants et l’amour ne se trouvent également défigurés.

Nous mettons une tendresse affectée où nous devons mettre les sentiments les plus nobles. Nous donnons de la mollesse à ce qui devroit être le plus touchant ; et quelquefois nous pensons exprimer naïvement les grâces du naturel, que nous tombons dans une simplicité basse et honteuse.

Croyant faire les rois et les empereurs de parfaits amants, nous en faisons des princes ridicules ; et à force de plaintes et de soupirs, où il n’y auroit ni à plaindre ni à soupirer, nous les rendons imbéciles comme amants et comme princes. Bien souvent nos plus grands héros aiment en bergers sur nos théâtres, et l’innocence d’une espèce d’amour champêtre leur tient lieu de toute gloire et de toute vertu.

Si une comédienne a l’art de se plaindre et de pleurer d’une manière touchante, nous lui