Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnons des larmes, aux endroits qui demandent de la gravité ; et, parce qu’elle plaît mieux quand elle est sensible, elle aura partout indifféremment de la douleur.

Nous voulons un amour quelquefois naïf, quelquefois tendre, quelquefois douloureux, sans prendre garde à ce qui désire de la naïveté, de la tendresse, de la douleur ; et cela vient de ce que, voulant partout de l’amour, nous cherchons de la diversité dans les manières, n’en mettant presque jamais dans les passions.

J’espère que nous trouverons un jour le véritable usage de cette passion devenue trop ordinaire. Ce qui doit être l’adoucissement des choses, ou trop barbares, ou trop funestes ; ce qui doit toucher noblement les âmes, animer les courages et élever les esprits, ne sera pas toujours le sujet d’une petite tendresse affectée, ou d’une imbécile simplicité. Alors nous n’aurons que faire de porter envie aux anciens. Sans un amour trop grand pour l’antiquité, ou un trop grand dégoût pour notre siècle, on ne fera point des tragédies de Sophocle et d’Euripide les modèles des pièces de notre temps.

Je ne dis point que ces tragédies n’aient eu ce qu’elles devoient avoir pour plaire au goût des Athéniens ; mais qui pourroit traduire en françois, dans toute sa force, l’Œdipe même,