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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/340

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dans la passion, ou qui nous explique par une espèce de leçon, de quelle manière elle s’est formée. Quelquefois l’esprit du spectateur qui poussoit d’abord son imagination jusqu’à la personne qu’on représente, revient à soi-même, désabusé qu’il est, et ne connoît plus que le poëte, qui, dans une espèce d’élégie, nous veut faire pleurer de la douleur qu’il a feinte, ou qu’il s’est formée.

Un homme se mécompte auprès de moi, en ces occasions ; il tombe dans le ridicule, quand il prétend me donner de la pitié. Je trouve plus ridicule encore qu’on fasse l’éloquent, à se plaindre de ses malheurs. Celui qui prend la peine d’en discourir, m’épargne celle de l’en consoler. C’est la nature qui souffre, c’est à elle de se plaindre : elle cherche quelquefois à dire ce qu’elle sent, pour se soulager ; non pas à le dire éloquemment, pour se complaire.

Je suis aussi peu persuadé de la violence d’une passion qui est ingénieuse à s’exprimer par la diversité des pensées. Une âme touchée sensiblement ne laisse pas à l’esprit la liberté de penser beaucoup, et moins encore de se divertir dans la variété de ses conceptions. C’est en quoi je ne puis souffrir la belle imagination d’Ovide : il est ingénieux dans la douleur ; il se met en peine de faire voir de l’esprit, quand