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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/366

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une liberté nécessiteuse tenoit lieu de toutes choses. Que s’ils étoient obligés de représenter la majesté d’un grand roi, ils entroient mal dans une grandeur inconnue, pour ne voir que des objets bas et grossiers, où leurs sens étoient comme assujettis.

Il est vrai que les mêmes esprits, dégoûtés de ces objets, s’élevoient quelquefois au sublime et au merveilleux ; mais alors ils faisoient entrer tant de dieux et de déesses dans leurs tragédies, qu’on n’y reconnoissoit presque rien d’humain. Ce qui étoit grand étoit fabuleux ; ce qui étoit naturel étoit pauvre et misérable. Chez Corneille, la grandeur se connoît par elle-même : les figures qu’il emploie sont dignes d’elle, quand il veut la parer de quelque ornement ; mais d’ordinaire, il néglige ces vains dehors ; il ne va point chercher dans les cieux de quoi faire valoir ce qui est assez considérable sur la terre ; il lui suffit de bien entrer dans les choses, et la pleine image qu’il en donne, fait la véritable impression qu’aiment à recevoir les personnes de bon sens.

En effet, la nature est admirable partout, et quand on a recours à cet éclat étranger, dont on pense embellir les objets, c’est souvent une confession tacite qu’on n’en connoît pas la propriété. De là viennent la plupart de nos figures et de nos comparaisons, que je ne