Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/373

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Comme si la nature étoit changée, et que les hommes se fussent défaits de ces divers sentiments, on les représente tous sous un même caractère, dont je ne sais point la raison ; si ce n’est que les femmes aient trouvé, dans ce siècle-ci, qu’il ne doit plus y avoir au monde que des galants.

Nous avouerons bien que les esprits de Madrid sont plus fertiles en invention que les nôtres ; et c’est ce qui nous a fait tirer d’eux la plupart de nos sujets, lesquels nous avons remplis de tendresses et de discours amoureux, et où nous avons mis plus de régularité et de vraisemblance. La raison en est qu’en Espagne, où les femmes ne se laissent presque jamais voir, l’imagination du poëte se consomme aux moyens ingénieux de faire trouver les amants en même lieu ; et en France, où la liberté du commerce est établie, la grande délicatesse de l’auteur est employée dans la tendre et amoureuse expression des sentiments.

Une femme de qualité espagnole[1] lisoit, il n’y a pas longtemps, le roman de Cléopatre ; et comme, après un long récit d’aventures, elle eut tombé sur une conversation délicate d’un amant et d’une amante également passionnés : que d’esprit mal employé, dit-elle ;

  1. La princesse d’Isenghien.