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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/432

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duite nous auroit laissé l’idée d’un prince prudent, d’un prince sage : je vous le dépeins grand et habile en tout ce qu’il a fait de beau. Vous le voulez vaste ; et c’est à ce vaste qu’il a dû tout ce qu’il a entrepris, mal à propos.

Un désir de gloire que rien ne bornoit, lui fit faire une guerre extravagante contre les Scythes. Une vanité démesurée lui persuada qu’il étoit fils de Jupiter. Le vaste s’étendit jusqu’à sa douleur, lorsque sa douleur le porta à sacrifier des nations entières aux mânes d’Ephestion. Après qu’il eut conquis le grand empire de Darius, il pouvoit se contenter du monde que nous connoissons ; mais son esprit vaste forma le dessein de la conquête d’un autre. Comme vaste, il entreprit son expédition des Indes, où l’armée le voulut abandonner, où sa flotte faillit à se perdre ; d’où il revint à Babylone triste, confus, incertain, se défiant des dieux et des hommes. Beaux effets de l’esprit vaste d’Alexandre !

Peu de princes ont eu l’esprit si vaste que Pyrrhus ; sa conversation avec Cynéas, cette conversation qui n’est ignorée de personne, le témoigne assez. Sa valeur, son expérience à la guerre, lui faisoient gagner des combats ; son esprit vaste qui embrassoit toutes choses, ne lui permit pas de venir à bout d’aucune. C’étoit entreprise sur entreprise, guerre sur