Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/462

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quand personne ne nous accuse ; qui par une chaleur imprudente, nous mettent en des affaires où nous n’étions pas, et nous en attirent que nous voudrions éviter. Se contente qui voudra de ces amitiés ; pour moi, je ne me satisfais pas d’une bonne volonté nuisible ; je veux que cette bonne volonté soit accompagnée de discrétion et de prudence. L’affection d’un homme ne raccommode point ce que sa sottise a gâté. Je lui rends grâces de son zèle impertinent, et lui conseille d’en faire valoir le mérite parmi les sots. Si les lumières de l’entendement ne dirigent les mouvements du cœur, les amis sont plus propres à nous fâcher qu’à nous plaire, plus capables de nous nuire que de nous servir.

Cependant, on ne parle jamais que du cœur, dans tous les discours qu’on entend faire sur l’amour et sur l’amitié. Les poëtes en deviennent importuns, les amants ennuyeux et les amis ridicules. On ne voit autre chose, à nos comédies, que des filles de roi qui donnent le cœur et refusent la main, ou des princesses qui offrent la main et ne sauroient consentir à donner le cœur. Les amants se rendent fades à demander éternellement la pureté de ce cœur ; et les amis, érigés en précieux, le veulent avoir comme les amants. Ce n’est pas en connoître bien la nature ; car, pour un peu de chaleur mal réglée, pour quelque tendresse inégale et